domingo, 18 de noviembre de 2012

PREFACIO A "VOIX", DE ANTONIO PORCHIA


Les maximes courent le risque de sembler de pures équations verbales : nous sommes tentés d'y voir l'oeuvre du hasard ou d'un art combinatoire. Mais non dans le cas de Novalis, de La Rochefoucauld ou d'Antonio Porchia. Chez eux, le lecteur sent la présence immédiate d'un homme et de son destin.
Nous ne nous sommes pas connus personnellement. J'entendis pour la première fois son nom sur la bouche de Xul Solar, le peintre visionnaire. Rien ne me coûterait d'inventer qu'ils furent très amis, aucun des deux ne pouvant à présent me démentir. Mais ce que je puis assurer, c'est qu'à travers ses Voix Antonio Porchia est aujourd'hui mon ami intime, bien que peut-être il ne le sache pas.
Nul n'ignore que les générations ont consacré les sorts virgiliens et les sorts bibliques. Dans un moment de doute, quelqu'un ouvre le volume au hasard, qui au fond n'est pas un hasard, et reçoit le conseil de Virgile ou de l'Esprit. Ainsi ai-je opéré de nombreuses fois avec le texte de Porchia.
Faisons-le maintenant. Je trouve à la page 11: Qui ne remplit son monde de fantômes reste seul.. 
Heureusement, et pour notre malheur aussi, les fantômes ne nous manquent pas. Nous croyons être argentins, chiliens, français, dévots de telle ou telle foi, affiliés à tel ou tel parti, héritiers d'une tradition, porteurs d'un nom, habitants d'une maison ou d'un siècle, maîtres d'un visage parmi d'autres. De tels fantômes sont incessants, mais il n'est pas impossible qu'ils nous laissent seuls, atrocement seuls, à l'instant de la mort.
Interrogeons une autre page, la page 46: Le non savoir-faire sut faire Dieu.
Je trouve ici la confirmation d'un doute ancien. J'ai toujours eu le sentiment que Dieu — le Dieu tout-puissant des théologiens — était la plus curieuse invention de la littérature fantastique. 
A la page 110, nous trouvons: Les distances n'ont rien fait. Tout est ici.
Je me rappelle une anecdote de Carlyle. Un groupe d'émigrants partant pour l'Australie vint lui rendre visite. Carlyle leur dit: " Pourquoi voyager ? Votre Australie est ici et maintenant. " On peut aussi interpréter la sentence de Porchia d'une autre manière. Seul existe le présent ; le hier et l'aujourd'hui sont illusoires.
Les aphorismes de ce volume portent bien au-delà de leur texte écrit ; ils ne sont pas une fin mais un commencement. Ils ne cherchent pas à produire un effet. On peut supposer que l'auteur les écrivit pour lui-même et ne sut pas qu'il traçait pour les autres l'image d'un homme solitaire, lucide et conscient du mystère singulier de chaque instant.

Septembre 1978
(Traduction: R. Munier).

Las máximas corren el riesgo de parecer meras ecuaciones verbales: estamos tentados a ver en ellas la obra del azar o de un arte combinatorio. Pero no así en el caso de Novalis, de la Rochefoucauld o de Antonio Porchia. En cada una, la lectura siente la presencia inmediata de un hombre y su destino.
No nos conocimos personalmente. Oí por primera vez su nombre de labios de Xul Solar, el pintor visionario. Nada me cuesta imaginar que fueron muy amigos: ninguno de los dos podría en el presente desmentirme. Pero lo que puedo asegurar es que a través de sus Voces, Antonio Porchia es hoy mi amigo íntimo, si bien acaso él no lo sabe.
Nadie ignora que las generaciones han consagrado las sentencias virgilianas y las bíblicas. En un momento de duda, alguien abre el volumen al azar —que en el fondo no es un azar— y recibe el consejo de Virgilio o del espíritu. Así he actuado numerosas veces con el texto de Porchia. Hagámoslo ahora. Encuentro en la página 11:

Quien no llena su mundo de fantasmas, se queda solo.

Felizmente —y también para nuestro pesar—, los fantasmas no nos faltan. Creemos ser argentinos, chilenos, franceses, devotos de tal o cual fe, afiliados a tal o cual partido, herederos de una tradición, portadores de un nombre, habitantes de una casa o de un siglo, poseedores de un rostro entre otros. Estos fantasmas son incesantes, pero no es imposible que nos dejen solos, atrozmente solos, al momento de la muerte.
Interroguemos otra página, la 46:

El no saber hacer supo hacer a Dios.

Encuentro aquí la confirmación de una antigua duda. He tenido siempre la sospecha de que Dios —el todopoderoso Dios de los teólogos— fue la más curiosa invención de la literatura fantástica. 
En la página 110 encontramos:

Las distancias no hicieron nada. Todo sigue aquí.

Recuerdo una anécdota de Carlyle. Un grupo de emigrantes que parten hacia Australia le hacen una visitia. Carlyle les dice: «¿Por qué viajar? Su Australia está aquí y ahora». Podemos intrepretar la sentencia de Porchia de otra manera. Sólo existe lo presente: el ayer y el hoy son ilusorios.
Los aforismos de este volumen van mucho más allá del texto escrito; no son un final sino un comienzo. No buscan producir un efecto. Podemos sospechar que el autor los escribió para sí mismo y no supo que trazaba para otros la imagen de un hombre solitario, lúcido y conciente del singular misterio de cada instante.

Septiembre, 1978
(Traducción: Daniel González Dueñas)

Jorge Luis Borges 
(Voix - Fayard - París - 1979)

  
_______________________________________________________________________________


Aclaraciones
No se conserva ningún original del texto. La versión en francés es una traducción del original La versión en castellano es una traducción de la versión en francés.

Libros
Antonio Porchia, Voix, Fayard, París, 1979. 142 páginas. Dimensiones 22 x 14 cm.
Antonio Porchia, Voces reunidas, Alción Editora, Córdoba, 2006. 268 páginas. Dimensiones 22 x 16 cm.

Links
http://www.antonioporchia.com.ar/site/prologos/prologo2.htm

http://www.pagina12.com.ar/diario/suplementos/radar/9-5308-2009-05-19.html

No hay comentarios:

Publicar un comentario